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AGRICULTURE – Ressources alimentaires, eau, climat, énergie, exodes – migrations. Appliquons les connaissances en sciences du sol. Car nous avons désertifié la moitié des terres fertiles du Globe depuis 10'000 ans. PHOTOSYNTHESE VEGETALE et HUMUS de la terre se situent au coeur des solutions. D'immenses régions sahariennes, du Moyen-Orient et méditerranéennes étaient vertes auparavant. Solutions : régénérer l'humus et la biodiversité des sols, reforester. C'est possible, l'expérience le montre…

LES SOLS SONT LES LAISSES POUR COMPTE

Article AGRI – Hebdomadaire des professionnels agricoles de Suisse romande

Vendredi 22 novembre 2013  –  Vie des filières   –   PRODUCTION VÉGÉTALE   –  page 17

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SIXIÈME JOURNÉE «SOL, PLANTE, CLIMAT, ÉNERGIE ET EAU»

HES bernoise – Bienne 14 novembre 2013

Les sols sont les laissés pour compte

Les sols sont-ils les laissés pour compte des politiques agricoles? C’est ce que pense PASCAL BOIVIN, responsable à l’hepia et intervenant à la sixième journée «Sol, plante, climat, énergie et eau». Et cela malgré le fait qu’on en parle de plus en plus.

Ironie du sort, la météo, du moins en Suisse, semble avoir pris au mot le choix des Nations Unies de faire de l’année 2013 celle de la coopération dans le domaine de l’eau. Une ironie qu’ont moins appréciée les agriculteurs. Les conditions humides du printemps et de cet automne ont compromis certaines récoltes, ainsi que les semis et autres travaux de saison. Elles valent également comme cruel révélateur de la santé des sols en Suisse. C’est ce qui est notamment ressorti de la sixième Journée «Sol, plante, climat, énergie et eau» organisée par Bernard K. Martin et son association Agrihumus à la Haute école spécialisée bernoise, architecture, bois et génie civil à Bienne le 13 novembre dernier.

PHOTO BOIVIN

Pascal Boivin, professeur de science du sol à la filière de formation Agronomie de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (hepia)

ouvrait la journée avec une synthèse rapide et vigoureuse sur la problématique des sols.

On parle beaucoup de protection du sol dans les milieux agricoles ces dernières années et la législation a fait des progrès. Or vous êtes plutôt pessimiste. Pourquoi?

« La Loi sur la protection de l’environnement et ses ordonnances d’application (OSOL) intègre effectivement la protection des sols et des incitations existent dans le cadre agricole. Mais on peut relever plusieurs niveaux d’insuffisance.

De nombreux cantons appliquent encore la LPE-OSOL de façon très distante, voire pas du tout, en particulier en Romandie. Les problèmes les plus évidents sont la compaction et l’érosion, deux phénomènes liés. Or ces deux points sont parmi les moins bien renseignés et traités. De fait, les sols cultivés suisses sont très érodés et compactés et il serait légitime de s’en inquiéter fortement. Ensuite, il faut relever que les dégradations physiques du sol (compaction, perte de porosité et érosion qui en résulte) sont les plus difficiles à quantifier.

De ce fait, il n’y a pas dans ce cas de norme comme on les trouve pour la pollution chimique. Cela est en train de changer car la recherche progresse vers des méthodes simples et plus performantes. Enfin, le lien entre l’état des sols et les facteurs de dégradation n’est généralement pas fait. La conservation de la qualité des sols est un objectif complexe qui doit résulter d’un ensemble de pratiques de la part de l’agriculteur. La loi ne fonctionnera pas sans une action volontaire de chaque agriculteur, action motivée par de meilleurs revenus autant que par une conscience des enjeux. »

Comment cela se traduit sur la qualité des sols ?

« Avec les pratiques agricoles imposées de façon normative aux exploitants européens depuis la Seconde Guerre mondiale et la spécialisation des exploitations, un cercle vicieux s’est instauré concourant à la perte d’humus avec ses conséquences sur la qualité des sols, longtemps masquées par une compensation sous forme d’intrants. On paie aujourd’hui l’addition de ce mauvais calcul: les seuils de dégradation sont franchis, alors que les intrants se raréfient.

L’état des sols labourés est aujourd’hui proche du point de non-retour et je suis saisi de voir combien d’agriculteurs sont désarmés et sans éléments de décision face aux problèmes rencontrés. »

Vous dites que la formation dans les écoles d’agriculture ne prend pas assez en compte ces aspects.

« Le sol est toujours négligé et je pense qu’il y a effectivement une grosse lacune à ce niveau. Il n’y a pas de formation supérieure spécifique aux sols cultivés en Suisse. Les enseignants ont donc une formation de généraliste, ce qui ne dérange personne. Viendrait-il à l’idée de faire enseigner la chirurgie par des non-spécialistes, par ailleurs excellents? Le sol est un milieu très complexe. Le gérer suppose d’intégrer des connaissances variées et de disposer d’une grande expérience; poutant on refuse d’en prendre la mesure. Et quel est le poids de la science du sol dans les diplômes? Les entretiens avec les agriculteurs révèlent un manque de connaissance et une soif d’apprendre. Très souvent, ils évoquent l’insuffisance des cours reçus au regard des problèmes qu’ils rencontrent. On ne peut pas se permettre de mettre sur le marché du travail des jeunes professionnels dont la formation n’est pas suffisante en la matière, car les enjeux pour eux et pour le pays sont trop importants. »

Que proposez-vous?

« Je pense que l’enseignement a besoin d’être repris dans la forme et le fond, en offrant des méthodes de diagnostic de terrain opérationnelles, en faisant partager les expériences concrètes, en gagnant en poids dans le diplôme et en mettant le pied dans la modernité. Pour cela, il faut aussi communiquer sur les enjeux de fond. Le grand levier sur lequel jouer avec nos sols est d’augmenter la teneur en matière organique et l’activité biologique par des méthodes douces. En même temps, il faut décroître drastiquement les atteintes mécaniques. Tout cela est possible et se répand, notamment avec les techniques de semis direct. Il est important de former en considérant qu’il n’y a pas de solution toute faite et que chaque agriculteur devra développer sa propre expertise. C’est une approche tout à fait différente des pratiques normatives diffusées depuis la seconde moitié du 20e siècle. L’expérience montre que les agriculteurs y parviennent très bien. Ils en tirent beaucoup de plaisir professionnel et souvent un meilleur revenu. »

Et ça fonctionne toujours?

« Non; il y a aussi des échecs quand cette transition est mal maîtrisée. C’est toute la chaîne de décision qui doit être solidaire: le conseil, l’enseignement, les mesures d’accompagnement etc. On en est encore loin dans la pratique. Les esprits évoluent très vite sur le terrain, mais tant que la politique agricole demandera aux paysans de se spécialiser, on observera une séparation spatiale entre la production végétale et animale, avec pour corollaire trop d’azote et de phosphore dans les zones d’élevage intensif et pas assez d’humus dans les zones céréalières. »

Dans votre exposé lors de la journée «Sol, plante, climat, énergie et eau», vous avez montré l’effet des précipitations sur les sols endommagés.

« Chacun a pu voir l’érosion et les eaux stagnantes dans les champs. Même en année exceptionnellement humide, ce n’est pas normal! 2013 a été impitoyable pour les sols en mauvais état. Chacun pourra aussi remarquer d’autres parcelles, voisines, qui semblent rester au sec: les prairies bien sûr, lorsqu’elles n’ont pas été compactées, mais aussi les expériences réussies de semis direct, et il en est de plus en plus. Cette année l’a démontré de façon flagrante. Une année très sèche offrira la même démonstration: un sol dont la fertilité physique a été restaurée, grâce à une amélioration de son humus, stocke et restitue davantage d’eau aux cultures. Les parcelles labourées jauniront en moyenne bien avant les autres. »

Vous en faites un enjeu de société!

« Une révolution agricole a lieu dans le monde, qui vise de meilleurs revenus agricoles avec une meilleure conservation du sol, des traitements et intrants réduits. L’eau et le CO2 sont des enjeux immenses pour nos sociétés. Qu’attend-on pour accorder au sol l’importance qui lui revient et offrir aux agriculteurs un revenu décent s’appuyant sur des pratiques positives pour l’environnement? La dynamique interprofessionnelle appuyée par la formation fera le reste. A l’époque des choix rationnels, nos sociétés ne se montrent pas conséquentes en la matière. »

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE-ANDRÉ CORDONIER

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Bernard K. Martin en est à sa sixième journée organisée sur les thèmes de l’humus et des sols. Le militant écologiste reprend année après année la même antienne sur les négligences de nos sociétés à propos de cette ressource naturelle. Si cette obstination peut étonner, il faut bien reconnaître que ces préoccupations sont en prise avec des enjeux qui s’avèrent vitaux pour l’avenir de notre agriculture à l’échelle nationale et planétaire (lire ci-dessus l’interview de Pascal Boivin).

Un autre mérite de ces colloques est de réunir un panel de spécialistes dans les domaines qui gravitent autour des sols et de promouvoir une réflexion interdisciplinaire. Outre Pascal Boivin, Ernst Zürcher, ingénieur forestier à la HES bernoise architecture, bois et génie civil, Andreas Fliessbach, du Fibl, ou encore Miges Baumann, responsable de la politique de développement au sein de Pain pour le prochain, pour ne citer qu’eux, ont présenté les impacts de la gestion de l’eau dans leur domaine respectif aux niveaux suisse et international, en relation toujours étroite avec l’agriculture.

L’arbre en vedette

Le politique n’est jamais très loin et Bernard K. Martin avait invité cette année à la table ronde le socialiste René Longet et le Vert Luc Recordon, tandis que le radical Yve Christen assurait, à l’instar de l’année dernière, l’introduction de la journée. «C’est un progrès que d’avoir pu réunir ces personnalités sur ce thème, commente Bernard K. Martin, mais d’un autre côté, c’est peu vu son importance. J’ai parfois l’impression que les politiciens s’en foutent. » L’Association Agrihumus qu’il préside cherche des soutiens ou une éventuelle prise en charge de ce colloque par des institutions publiques.

L’arbre a tenu la vedette pour son rôle central dans le cycle de l’eau, et donc du climat, et comme protecteur des sols. Christian Streit, agriculteur à Aubonne, l’a illustré de manière pratique en présentant son système d’exploitation en semis direct utilisant du bois raméal fragmenté (BRF) pour amener des ressources aux micro-organismes du sol et maintenir leur qualité. Les choses bougent notamment avec le développement de l’agroforesterie. Séverin Lavoyer, chef de projet à l’Association française d’agroforesterie (AFAF), s’en est fait le chantre. «Il me semble qu’en Suisse, chacun travaille encore souvent dans son coin, relève-t-il. De notre côté, nous agissons à tous les niveaux, et notamment avec des groupes d’agriculteurs pour la conduite et l’accompagnement de programmes d’agroforesterie.» L’association tâche non seulement d’être fortement présente sur le territoire français mais pratique un lobbying appuyé auprès des instances concernées de l’Union européenne.

Journées de formation

Des projets sont en cours en Suisse. Une personne est mandatée chez Agridea pour le suivi de projets liés à l’agroforesterie et pour animer la plate-forme dédiée à cette pratique. Des personnes sont disponibles en renfort si besoin.

Agridea organisera d’ailleurs deux journées de formation, l’une le 16 janvier 2014 sur l’agroécologie et l’autre le 24 mai sur l’agroforesterie. Agri reviendra dans une édition ultérieure sur ce thème.

PAC SUR LE WEB

http://www.agrihumus.com

http://www.agroscope.admin.ch/agroscope/fr/home.html

http://www.agroforesterie.fr

Pierre-André Cordonier, AGRI

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En copie pdf, interview (ci-dessus)

du Professeur Dr Pascal Boivin, Ingénieur agronome, pédologue – HES Lullier et Genève :

Article-Interview – AGRI – 22.11.2013 – No47  (pdf)

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Présentation visuelle /conférence

du Professeur Boivin – 6ème Colloque interdisciplinaire « Sol-plante-climat-énergie-eau »

HES bernoise, Bienne, 14 novembre 2013 :

« HUMUS – Biologie du sol  -_Cycle de l’eau » (pdf)

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Présentation visuelle /conférence

du Professeur Dr Ernst Zürcher, ingénieur forestier / HES bernoise (Suisse) – 6ème Colloque interdisciplinaire « Sol-plante-climat-énergie-eau »

HES bernoise, Bienne, 14 novembre 2013 :

 

L’arbre et la forêt, sources de fertilité pour une agriculture durable« 

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